"EXPOSITIONS AUTOMNE-HIVER 2023-2024: TANIA MOURAUD - KLÁRA KUCHTA - EMMA REYES - SHIZUKO YOSHIKAWA - HANNAH VILLIGER - ILSE GARNIER - ALIGHIERO BOETTI - DONATION GLICKSMAN - RÉCITS DE COLLECTION"
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28.10.2023 Musée d'art moderne et contemporain MAMCO Genève, jusqu'au 28 janvier 2024
Image: Emma Reyes (1919-2003), Sans titre, 1988 - 1989, Acrylique sur toile, 130 x 96 cm - Coll. MAAP de Périgueux - Photo J. Bardot
Certaines questions simples appellent des réponses complexes. "Qu’est-ce qui fait une carrière artistique?", l’une des plus fréquemment posées à la direction d’un musée, en fait indéniablement partie. Qu’est-ce qui explique, en effet, qu’une pratique artistique plutôt qu’une autre soit enregistrée par la critique, les institutions ou le marché? Une fois évacués les mythes du chef-d’œuvre, de l’originalité ou de la technicité – soit une fois les critères dominants du 19 e siècle annulés –, quelles raisons peuvent-elles encore être invoquées pour expliquer que certaines œuvres fassent consensus à une époque? Et, corollaire, comment réagissent les institutions pour construire les critères qui vont présider à leurs choix?
Les biais culturels et de genre sont désormais connus et identifiés comme des taches aveugles de l’historiographie de la période moderne, mais ils ne peuvent pas à eux seuls tout expliquer. Il est indéniable que de nombreuses pratiques ont été marginalisées ou invisibilisées parce qu’elles étaient celles de femmes ou d’artistes non-occidentaux et leurs réévaluations dans les dernières décennies sont autant d’enrichissements de l’histoire de l’art du 20e siècle.
Pour autant, supposer qu’il s’agit là d’une forme de correction suffisante d’un corpus institutionnalisé limite l’analyse et dissimule d’autres paramètres importants.
Est-ce que toutes les trajectoires artistiques doivent suivre les mêmes courbes d’identification, de reconnaissance et d’enregistrement?
N’est-ce pas là, encore, normer une forme d’activité qui souhaite ne pas l’être? Que faire des artistes qui refusent cette chronologie indexée sur les structures économiques de nos sociétés actuelles et que dire de celles et ceux qui prennent des chemins de traverse, brouillent les pistes et préfèrent le changement à la consécration? Enfin, comment un musée élabore-t-il des schémas interprétatifs, des lignes de force ou des récits historiques qui lui permettent de construire sa collection et d’éclairer le présent par l’exposition de ce corpus aux publics?
Ces questions ont guidé l’élaboration de la séquence de cet automne, qui réunit deux rétrospectives, un ensemble polygraphique issu de nos collections et plusieurs projets monographiques.
Selon toute logique, la démarche de Tania Mouraud (*1942) aurait dû être associée à l’art minimal et conceptuel de son époque et être considérée comme l’un des rares exemples de ces "mouvements" en France, qui plus est, par une artiste femme. La reconnaissance tardive que lui apportent la rétrospective du Centre Pompidou Metz (2015) et l’exposition du MAMCO ne s’explique que par la liberté avec laquelle Mouraud injecte d’autres contenus (subjectifs, critiques et sensoriels) dans ce langage artistique, qui domine les années 1970.
Le travail de Klára Kuchta (*1941), repéré dans les années 1970 par Pierre Restany, s’inscrit dans une terminaison dite "sociologique" de l’art conceptuel. Et, pourtant, il commence et se poursuit par bien d’autres modes d’expression. Adossée à une scène genevoise qui commençait à reconnaître l’héritage de Fluxus aussi bien que de l’art conceptuel, sa pratique reste "incatégorisable" pour les acteurs de son temps.
L’improbable trajectoire de vie d’Emma Reyes (née en 1919 en Colombie, décédée en 2003 en France) pourrait, à elle seule, être la raison de l’oubli dans lequel est tombée cette artiste de l’après-guerre, qui avait pourtant côtoyé aussi bien Diego Rivera et Frida Kahlo que Gabriel García Márquez et Enrico Prampolini. Les œuvres qu’elle réalise dans les années 1980, réunies ici en plusieurs salles, donnent pourtant à voir la singularité totale de sa "peinture du vivant" et invitent à la prendre en compte dans le nouveau rapport que nous entretenons avec notre environnement naturel.
La démarche de Shizuko Yoshikawa (née à Omuta, Japon 1934, décédée à Zurich en 2019), qui vient à la peinture géométrique dans les années 1970 après une décennie de communication visuelle aux côtés de Josef Müller-Brockmann, porte à la fois les traces de l’héritage de l’art concret, d’une philosophie japonaise des rapports de formes et d’un intérêt pour l’inscription du mouvement du spectateur dans le rapport à l’œuvre. Cette singulière "hybridation" du vocabulaire concret est sans doute responsable de la discrète réception de son travail en Suisse.
Mais, nous voulons aussi revenir, dans cette séquence, sur les différents paramètres qui conditionnent la présence d’œuvres dans la collection du MAMCO. Dans une exposition qui présente des acquisitions et des donations récentes, nous voulons expliciter ces "récits" qui structurent le développement d’un fonds patrimonial. Ainsi, la donation Glicksman est le résultat inattendu d’un dialogue "curatorial" et d’une homothétie d’intérêts pour des figures d’artistes que le MAMCO considère importantes depuis son origine, à l’instar de Guy de Cointet ou de Michael Asher.
L’acquisition du fonds d’atelier de Silvia Kolbowski, qui navigue dans les années 1980-1990 entre la "Pictures Generation" et la "critique institutionnelle", fait suite à une série de discussions avec l’artiste après l’entrée d’une pièce dans nos collections. D’autres corpus font montre d’initiatives prises par le musée pour enregistrer le travail de nouvelles générations d’artistes au tournant des années 2000 et reposent sur le soutien de collectionneurs et collectionneuses qui accompagnent ces développements.
Ce projet fait ainsi le double pari d’être un exercice de transparence sur les contextes et les catégories qui déterminent l’enrichissement de la collection et d’offrir des points de vue actuels sur l’évolution récente de l’art.
cp
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